= Petites fééries nocturnes =
Le premier témoin était le fils d'un paysan. Leur potager avait été visité durant la nuit, mais aucune trace animale n'avait été trouvée sur place parmi la masse de nourriture gaspillée. Seul le fils, qui rentrait de soirée, avait avoué avoir vu quelque chose. Il n'en avait pas parlé immédiatement, d'abord parce que ses parents étaient couchés à l'heure des faits, mais également parce qu'il n'avait visiblement pas les idées claires. Il était donc allé se coucher et s'était effondré comme une masse le sourire aux lèvres. Mais le lendemain matin, ses souvenirs étaient revenus et l'avaient tellement effrayé qu'il refusait depuis de sortir de la maison familliale, et évitait même de descendre de sa chambre.
Le jeune homme était persuadé d'avoir vu une limace géante ramper dans le potager de son père et grignoter ses plants de tomates, ses carottes, ses laitues, et toute plante comestible se trouvant sur son chemin. Selon lui, la dite limace était rose avec des zébrures violettes, et aurait pesé d'après l'estimation de ses dimensions pas moins d'une centaine de kilos !
Je notais donc toute information susceptible d'aider par la suite dans mon carnet et redescendait parler avec ses parents. Ils m'apprirent que leur fils avait une profonde aversion pour les limaces et qu'elles étaient sa hantise depuis qu'il avait mordu l'une d'entre elles en croquant une feuille de salade roulée. Ils affirmaient cependant que leur fils buvait peut-être de temps en temps, mais qu'il ne se droguait pas. Leur théorie était que leur fils avait dû partir uriner dans le potager en rentrant de soirée afin de ne pas les déranger dans leur sommeil, et qu'il avait pu se trouver nez à nez avec une limace dodue que le sommeil aurait par la suite légèrement surdimensionnée afin d'expliquer le carnage de leur potager, qu'ils ne pouvaient expliquer. Il peut s'agir de n'importe qui, disent-ils, puisqu'ils ont les plus beaux légumes de la région et provoquent bien des jalousies.
J'en prenais bonne note avant de prendre congé.
Le second témoin était un producteur de fruits. L'agriculteur avait un verger immense et sa demeure s'y trouvait en plein milieu. Son verger aussi avait été visité, mais bien plus tôt, dans la soirée. Certains arbres fruitiers avaient été dépouillés en bonne partie, et il ne connaissait qu'un seul animal capable d'en être l'auteur. De plus, la nuit avait été calme, avec très peu de vent, et même en cas de grosse tempête on retrouve toujours les fruits par terre. Il me parlait comme s'il était à son procès, et j'imaginais qu'il avait dû subir pas mal de railleries pour être autant sur la défensive. Mais j'en compris bien vite la raison. Lorsqu'il avait entendu du bruit dans son verger, il avait regardé par la fenêtre et avait vu une ombre inhabituelle bouger devant chez lui. Il était sorti avec son fusil pour surprendre l'intrus, et, suivant le bruit, il était remonté jusqu'à lui. Celui-ci était de dos et l'homme, qui affirme avoir été en pleine possession de ses moyens à ce moment là, avait reconnu la silhouette d'un minotaure, la hache en moins.
Mais la description qu'il m'en fit était plutôt surprenante. En effet, il m'expliqua que la pauvre bête devait souffrir de malnutrition car ses membres étaient fin au lieu d'offrir au regard une large musculature. De plus, il n'avait plus de cornes, ce qui confortait l'homme dans son idée. Son verger abritait selon lui un minotaure en fuite, qui avait été séquestré contre sa volonté et auquel on avait coupé les cornes pour le rendre plus docile. Sur le moment, l'homme ne s'était pas servi de son fusil, et il avait été tellement impressionné qu'il avait seulement fui vers sa maison. Mais aujourd'hui il le regrettait car il aurait aimé pouvoir communiquer avec cette bête surnaturelle.
Avant de le quitter, il me dit que si je retrouvais son minotaure, je pouvais lui dire de revenir prendre tous les fruits qu'il voudrait.
Le troisième témoin était un jeune adolescent aux cheveux longs et décoiffés. Il vivait au premier étage de la maison de ses parents et surtout la nuit. Il se sentait mieux lorsque les adultes étaient couchés et que "les forces occultes pouvaient s'exprimer". Cette nuit là, en regardant par la fenêtre, il avait vu un voyageur. Il s'agissait d'un chat humanoïde dont il me montra le dessin dans un des mangas de sa collection. Il se déplaçait avec diffculté et devait être très vieux parce qu'il avait une canne. Mais c'était bien le même personnage puisqu'il avait son espèce de cartable dans le dos, dissimulé sous sa cape. Il l'avait vu remonter la rue et avait immédiatement prévenu ses amis sur internet, qui ne l'ont pas cru. Alors, il avait voulu prendre une photo mais le temps qu'il retrouve son appareil, sa batterie, et charge le tout, il était bien trop tard. Mais depuis, il se tient prêt et guettait tous les soirs par la fenêtre, son appareil photo chargé à portée de main, pour prouver à ses amis qu'il n'est pas fou.
Ce sont les trois seuls témoignages que j'ai pu recueillir, et je dois avouer être particulièrement perplexe. Je ne sais pas trop ce que je devrais mettre dans mon rapport. Moi qui voulais trouver un point commun entre chacune des "affaires", je n'en vois pas. Pourtant, le fait que tout ceci ait eu lieu la même nuit m'indique qu'il y a forcément une explication logique. Je souhaite donc partir du principe qu'il s'agit de la même cause, dans les trois cas. Reste à trouver laquelle, et rien sur quoi m'appuyer cette fois-ci.
Quelle est la cause ? S'il s'agit vraiment d'une créature, quelle peut-elle être ? Et pourquoi aurait-elle visité un potager et un verger ? Si c'est à cause d'une substance, d'où vient-elle et comment est-elle arrivée là ? Les réponses à toutes ces questions se trouvent dans la Phase 1 de La Fuite du Cerceau !