Comme tous les jours aux alentours de quinze heure trente, Yvan fume un cigare empreinté à son patron en parcourant les nouveautés pornographiques d'un portail spécialisé. Il compare et observe afin de se choisir le film qui mérite le plus de l'occuper jusqu'à la débauche, aux frais de l'entreprise. Bientôt, il sera l'heure de faire évacuer le bâtiment à l'aide d'une alerte au feu, afin de disposer d'un peu d'intimité.
Alors qu'il a presque terminé de consumer le rouleau de tabac et que son choix est enfin fait, un petit bonhomme inconnu d'Yvan s'approche de son bureau.
- Bonjour, excusez-moi pour le dérangement, êtes-vous le fameux Yvan ?
- Non, c'est pourquoi ?
- J'ai reçu une réclamation de ses collègues pour...
- Vous avez des noms ?
- Non. Enfin oui, mais ce n'est pas mon rôle de...
- Et si c'était moi, vous auriez des noms ?
- Et bien peut-être que...
- Bon d'accord, j'avoue, c'est moi, qu'est-ce qu'il se passe ?
- Ah, bien, alors voilà. C'est votre cigare, Monsieur, il importune tous vos collègues de l'étage et même ceux...
- Alors c'est eux... Les traîtres !
- Non, je ne pense pas qu'il faille le voir de cette façon, perm...
- Yann !
- Oui ?
- Tu connais le Monsieur ?
- C'est le gars du syndicat c'est ça ?
- Gagné, attrape.
Yvan se saisit d'une paire de ciseaux, qu'il ouvre et envoit à son collègue à la manière d'un lanceur de couteaux. Yann, l'employé dont il est question, le reçoit en pleine poitrine et s'effondre. Yvan reprend à haute voix.
- Quelqu'un d'autre connait le Monsieur ?
La réponse est un régal d'unisson. Quoi qu'une quarte se fit entendre dans le fond, l'oeuvre d'un petit malin sans doute, qui ne perdrait rien pour attendre.

- Voilà, il n'y a plus de problème.
- Mais vous savez, euh, il est quand même préférable de fumer dans un lieu prévu à cet effet.
- C'est parfait, mon bureau, là, voilà, il est prévu à cet effet. La preuve, regardez, un cendrier.
- Mais l'équipement nécessaire pour...
- Qui pourrait bien devenir un sangdrier d'ailleurs, si vous voyez ce que je veux dire.
- Mais Monsieur, je suis là pour vous défendre, vous aussi, vous savez ?
- Ha, alors vous tombez bien, je voudrais un bureau séparé, dans une pièce bien à moi, c'est que j'ai grand besoin d'intimité.
- D'accord, mais alors il va falloir que vous mettiez de l'eau dans votre vin.
Yvan sort de sous son bureau une flasque brune.
- Ce n'est pas du vin, je n'en bois pas, je préfère le bourbon au café. Question de principe.
- Non, mais je voulais dire qu'il serait préférable que vous fassiez juste un peu moins de fumée, si possible, en attendant d'avoir votre propre bureau isolé.
- J'ai de plus en plus besoin d'intimité.
- Oui, je comprends bien, mais il n'y a pas le feu...
- Ca ne va pas tarder.
- De quoi ?
Yvan sort de son tiroir une petit bouteille en plastique rouge. Il l'ouvre maladroitement et asperge le délégué syndical de son contenu.
- Pardon, désolé.
- Mince, j'en ai partout, qu'est-ce que c'est ?
- Ce n'est rien, attendez.
Yvan tire un bon coup sur son cigare pour en aviver les braises. Puis, il l'envoit négligemment sur son interlocuteur, qui s'enflamme aussitôt. Celui-ci se lève et commence à paniquer. Yvan en profite pour sauter sur l'alerte incendie qu'il déclenche aussitôt.
- Au feu, allez, c'est l'heure, tout le monde dehors, et laissez passer la torche humaine !

En quelques minutes, le bâtiment est totalement déserté. Il ne reste plus de ses occupants qu'une petite flamme qui se répand sur la moquette, provoquée par une goutte tombée du costume d'un délégué syndical ayant le feu au cul. Yvan se marre à cette idée. Il s'approche du minuscule sinistre, baisse son pantalon, et innonde la moquette de son urine. Bientôt, il ne reste plus des quelques flamèches qu'un mince filet de fumée noire qui s'élève des poils d'un tapis. Enfin, Yvan est tranquille, seul. Il va pouvoir s'adonner à tout ce que l'après-midi pourra lui inspirer sans craindre des regards outrés qu'il ne connait que trop bien. Mais avant, il va faire le tour des bureaux, comme tous les jours, à la recherche d'objets, de fournitures, ou de documents compromettant qui seraient bien mieux en sa possession. Et pourraient lui conférer encore un peu plus de liberté, au cas où.
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