On va tous mourir ⏏
Max se réveille sur le sol de la planète sur laquelle il est échoué. Et il était grand temps, son scaphandre n'étant pas prévu pour faire une sieste et ses réserves d'oxygène allant diminuant. De son côté, le robot d'analyse tellurique n'a pas encore terminé, lui laissant alors tout le loisir d'aller faire le plein, et de manger un morceau. Max s'installe alors dans la pièce d'exploration, l'endroit où sont centralisés les éléments nécessaires à la compilation des connaissances sur les nouvelles planètes que le vaisseau aurait pu explorer s'il n'avait pas rencontré violemment le sol de celle-ci. Il a apporté avec lui à manger et une batterie, pour lancer l'ordinateur, le circuit principal étant momentanément détruit. Lorsqu'il se rend compte que son scaphandre ne lui permettra pas d'ingurgiter la ration de survie hydratée, il est déjà trop tard. Celle-ci est ouverte et se vide lentement pour aller s'écraser sur le sol de la cabine. Max vient de gaspiller une demi journée de nourriture. Il ne lui en reste déjà plus qu'une douzaine. Six jours à vivre s'il ne trouve pas l'eau nécessaire à la réhydratation des trois cents ans de nourriture lyophilisée qui dorment dans la cale du vaisseau...
Alors que Max envisage la meilleure méthode pour faire pénétrer la ration de survie dans son équipement spatial afin qu'il puisse la consommer plutôt que l'étaler par terre, l'ordinateur lui signale la réception d'un rapport préliminaire. Le robot d'exploration n'ayant pas chômé, il est déjà en mesure de fournir quelques informations sur la planète, sans pouvoir encore préciser avec certitude la carte des sous-sols. Max lit le rapport. Ce qui est désormais sa planète, et pour encore pas mal de temps, serait extrêmement froide si elle ne disposait d'un coeur brûlant rayonnant la chaleur à travers la fine croûte qui l'enrobe, estimée à pas plus d'un kilomètre. Voilà qui est rassurant. L'excessive froideur de l'atmosphère au delà de quelques mètres est dûe principalement au fait que la planète ne gravite pas autour d'un astre. Tiens donc, et que fait-elle ? Elle... parcourt l'espace au gré des champs d'attraction qu'elle traverse. Position impossible à déterminer actuellement, et en évolution permanente. De fait, il n'y a donc pas de jour, sur cette planète. Enfin, pas régulièrement disons. L'horizon est à deux ou trois kilomètres, et le diamètre de la planète est estimé à une centaine de kilomètres, pour une circonférence, donc, d'un peu plus de trois cent dix kilomètres.
Quand Max a terminé la lecture du rapport, il est décomposé. Non, pas comme les corps de ses anciens collègues qu'il a accidentellement génocidé. Décomposé comme quand on apprend que, déjà, il va être difficile de savoir où on est, mais qu'en plus, ça pourrait changer perpétuellement sans jamais qu'on parvienne à rattraper ses retards de calcul. Et qu'en plus, on est mécano au lieu d'être astrophysicien. Et pas moyen d'en ressusciter un pour l'occasion. Vraiment la poisse, décidément. Et encore, ce n'est rien comparé aux six, non, cinq jours et demi qu'il lui reste à vivre s'il ne trouve pas d'eau...
Tandis que Max pleure sur son sort avec une indécence indigne d'un miraculé venant de tuer plus d'une centaine de personnes, les premiers rapports d'analyse sismique arrivent. La plupart concerne du minerai, et même ce qui semble correspondre à des pierres précieuses. Une nouvelle formidable pour un homme perdu sur une planète déserte. Perdu, peut-être, mais riche, certainement. Potentiellement en tous cas. Mais Max n'a pas le temps de s'imaginer de quelle façon il va dilapider cette prochaine fortune qu'un autre rapport, bleu, arrive. Le bleu concerne les liquides, tous les espoirs sont permis. Mais il ne faut pas trop rêver quand même. Une nappe de liquide non identifiable à été découverte, à quelques kilomètres de la base du naufrage. Entendez par non identifiable : "qui ne possède pas d'empreinte caractéristique au sismographe". Généralement parce qu'il pourrait s'agir de tellement de liquides qu'il vaut mieux ne pas trop s'avancer. De l'eau, ça semble peu probable. Max n'a de la chance qu'en dernier recours, et il lui reste encore plusieurs jours à vivre. Sa bonne étoile jamais ne lui gâcherait le suspens aussi tôt. Pourtant, il serait intéressant de voir de quoi il s'agit. Même s'il ne s'agissait que de combustible, Max est mécano, il pourrait peut-être concevoir un générateur qui ménagerait les batteries et, pourquoi pas, relancer l'ordinateur de bord !
Alors, Max sort avec la plus grande précaution l'unique véhicule de forage de son compartiment, en prenant soin de ne pas le détruire. C'est que le tribord de l'appareil a été complètement défoncé, et la plupart des équipements en double sont désormais des pièces uniques à la valeur estimée environ à la vie du responsable de tout ce carnage. Chacun sera libre de faire son calcul lui-même, mais pour le principal intéressé, il est très vite fait : il donnerait toutes les pierres précieuses de sa planète d'accueil pour ne pas abîmer ces outils dont dépend sa survie. De toutes façons, il n'a rien d'autre à offrir. Non, Max n'accepte pas les chantages sexuels, même s'il fallait pour ça le retrouver et le ramener.
Et Max entame la route vers la nappe sous-terraine de liquide inconnu avec le gros engin de chantier qu'il baptisera même, pour l'occasion, Damien. Ne me demandez pas pourquoi.