L'Ascenseur XXX
Comme il pleuvait, je m'étais arrêté devant la boulangerie pour regarder les viennoiseries. Et c'est là que j'ai vu la femme qui m'a mis en retard entrer dans l'officine. Elle était grande, brune, et ses cheveux étaient mouillés de pluie. Pourtant, malgré le temps maussade, elle portait un pantalon de lin blanc, très léger, flottant, que la pluie n'avait pas encore rendu transparent. Et au dessus, un cache-coeur brun du plus bel effet. Il faut dire qu'il faisait très chaud malgré tout, et la plupart des femmes que j'avais croisées étaient en sandales. Enfin peu importe. J'avais complètement oublié les gâteaux que j'étais venu regarder à partir de ce moment. A la place, je suivais tous les gestes de la dame. Je ne pouvais m'empêcher de remarquer le tissu épousant le haut de ses cuisses à chaque mouvement de celles-ci. Bref, j'étais conquis.
D'un seul coup, j'eus l'impression que le soleil revenait, arrosant la vie de la teinte bleutée d'un ciel d'azur.
Lorsque la dame, dont mon attention était captive, vint à sortir de la boutique, elle se rendit compte de l'attention que je lui portais. J'étais gêné, mais je n'arrivais pas à détourner mon regard de son visage irradiant luxe, calme et volupté. Elle me fit un sourire et, d'un signe de tête que je n'avais osé espérer, m'invita à la suivre discrètement. La pluie s'était effectivement calmée, et, au bout de quelques centaines de mètres à peine, la femme entra dans un des immeubles immenses qui bordaient la rue. Quand elle fut cachée par une colonnade, je me rendis compte que je n'avais pu décrocher mon regard de son corps. Je me dépéchai d'entrer dans l'immeuble pour renouer le contact visuel.
L'ambiance se teinta alors d'une blancheur surprenante.
J'aurais pu croire être dans un nuage dont la seule tâche de couleur était formée des ténèbres d'une divine créature. Qui, pour l'heure, montait dans l'ascenseur au centre du hall. Non sans se retourner pour vérifier que j'allais l'y rejoindre, ce que je fis au plus vite. Malheureusement, nous n'étions pas tout seuls dans la cabine, mais l'indésirable petite bonne femme rondelette nous quitta dès le premier étage. Et, à peine la double porte s'était refermée derrière elle que mon amante se pendit à mon cou, m'embrassant langoureusement. Elle me serrait si fort que je n'aurais pas pu m'en défiler, pour peu que je l'eus voulu.
Directement, la vie m'apparut totalement rose.
Mais bientôt, son étreinte se relâcha, et elle pressa un bouton qui immobilisa l'ascenseur. Elle ouvrit son corsage et le laissa tomber au sol. Il n'y avait rien en dessous. Puis, revenant à moi, elle glissa une de ses mains dans mes dessous et je compris à sa position qu'elle m'offrait de faire de même. Je sentis rapidement la moiteur de son excitation, et sa tête se laissa tomber en arrière au moment où mes doigts commencèrent à tracer les contours de ses lèvres. Je ne pourrais pas dire le temps que nous devions passer à nous découvrir de la sorte, mais je me rappelle avoir été tiré de mes rêveries lorsqu'elle me repoussa. D'abord frustré, je changeai rapidement d'avis lorsque je la vis ôter son pantalon. Là encore, il n'y avait rien dessous. Elle se retourna et me présenta sa croupe brûlante.
Le signal me fit voir rouge.
Je n'étais pas énervé, au contraire, j'étais devenu une véritable bête, impatiente et désordonnée. Comme si ce magnifique spectacle avait déclenché en moi le defrayement de mes instincts les plus primitifs. Alors, je laissai tomber mes bas et me jetai sur elle, en elle, la faisant hurler d'un plaisir partagé. Elle n'avait pas dû offrir son intimité à un homme depuis longtemps, je pouvais le sentir à la moiteur de celle-ci et à ses nombreux gémissements impatients. J'avais gardé ma chemise et elle en profita pour l'attraper et la tirer violemment vers elle. Son déchainement m'impressionna autant qu'il me ravit. Jamais je n'avais vécu d'union aussi passionnée et exaltée. Plus rien n'existait autour de nous, nous étions dans notre bulle, hors du temps.
C'était comme si nous étions plongés dans le bleu marine épais de l'espace vu de la terre.
Elle se redressa et posa sa main en arrière, à plat sur mon ventre. Elle profita de la nouvelle sensation que lui procurait cette posture, puis se retourna face à moi. Elle se pencha en arrière et agrippa la rambarde de la cabine derrière elle. Comme je m'approchais d'elle pour revenir caresser ses chairs, elle mit une de ses jambes sur mon épaule, s'offrant totalement à moi dans une position qui me parut peu confortable au premier abord. Mais lorsqu'elle ramena sa jambe restée au sol de l'autre côté de mon cou, celle-ci s'avéra plutôt acrobatique. Et surtout, elle nous faisait profiter d'un contact des plus profonds. Le plaisir atteignit son paroxisme et mon corps faillit exploser.
Puis, c'est le trou noir.
Quand je me réveillai, j'étais dans une cage d'escalier, habillé. Dans la poche, j'avais un des anneaux servant à la fermeture du cache-coeur de ma bien-aimée. Je descendis jusqu'en bas, et cherchai une sortie. Quand je fus enfin dehors, j'étais à l'arrière du bâtiment, et en le contournant, je m'aperçus que de nombreux véhicules de police étaient arrêtés devant le hall, girophares allumés, et qu'il s'agissait du même immeuble que celui que j'avais eu le privilège de visiter peu avant. J'interrogeais un des hommes en uniforme sur ce qu'il s'était passé mais il ne me répondit pas et me pria de circuler. Par chance, une personne avec un appareil photo avait entendu ma question et me répondit qu'on avait trouvé des corps et qu'il s'agissait sans doute d'un meurtre. Je ne pouvais m'empêcher de penser qu'il n'y avait pas eu que des drames aujourd'hui dans cet immeuble.
Après, il me fallait un peu de vert, alors je suis rentré pour te voir.
C'est dommage que tu sois aussi piquante comme petite plante, sinon je pourrais t'emmener avec moi. Mais là, j'ai peur de te faire mal si je te rase tout ça. Et puis un cactus sans épine, c'est triste quand même. Et comment tu vas te trouver des compagnons toi aussi si je te casse toute ton apparence. Tu as soif ? J'arrive. Mais après tu me laisses prendre une douche hein, j'ai comme une odeur de boucherie sur mes vêtements.
Au même instant, la police découvrait cinq corps de plus, une famille entière, au palier du septième étage. En plus des trois retrouvés dans l'ascenseur, le total était donc porté à huit. Huit cadavres morts des suites de leurs profondes contusions. La police élabora une théorie complexe de déstabilisation locale temporaire, qui pourrait expliquer qu'à peu près au même moment une famille se cognait la tête assez fort pour se déformer le crâne tandis que le même scénario apparaissait dans l'ascenseur qu'ils attendaient, alors emprunté par quatre personnes. Et Trudy, la petite plante, écouta patiemment l'histoire se répéter soir après soir, attendant impatiemment la prochaine variation.