C'est ce qu'on pense, en effet, dans l'état du Nouveau Mexique, aux Etats-Unis, au point de l'avoir inscrit dans la constitution de l'état, adoptée en 1911 et toujours en vigueur.

Le texte est on ne peut plus clair. A l'article XVII, section 1, on peut y lire, en version française, que "tout citoyen des Etats-Unis, [...] excepté les idiots, les fous, [...] est considéré apte à voter à toute élection d'un officier de la fonction publique." ( source )

Cela pose un double problème. D'un côté la France s'américanise, c'est un fait. A ce titre, les législateurs successifs adaptent des lois américaines, parfois directement proposées par des industriels outre-atlantique, pour leur application en France. Dès lors, pourquoi ne pas s'inspirer de cette loi pour légiférer, après tout. Mais alors, le premier problème se dessine : "A quoi reconnaît-on un idiot ?". Les idiots savent-ils qu'ils le sont ? Dans ce cas, s'ils réclament le droit de vote malgré tout, s'agit-il d'un outrage ?

Imaginons que le délit d'idiotie, qui n'est puni que par une suspension du droit de vote, se constate suite à un panel de tests. Dès lors, il faut que chaque citoyen réussisse l'examen avant d'avoir le droit de voter, comme un permis de vote. Mais alors, pourra-t-on repasser son permis, pour le cas où une déprime passagère nous ait perturbé lors du premier essai ? Et lorsqu'on a enfin obtenu son permis, peut-on le garder à vie, ou devra-t-on le repasser régulièrement, quitte à ne faire qu'une petite révision comme ça devrait être le cas avec le permis de conduire ?
On peut d'emblée imaginer que les résultats seraient tout à fait impartiaux, et ne prendraient aucunement en compte l'enclin du candidat pour tel ou tel parti politique. Mais comme ce serait pratique, pourtant, pour le législateur, de déclarer d'emblée que toute personne répondant "oui" à la question "12. Le communisme, ou un de ses dérivés, a-t-il encore une chance de sauver le monde ?" est idiote et donc inapte à figurer sur les listes électorales...

Arrêtons ici notre digression Orwellienne. Nous savons très bien que le politique est un homme honnête, la preuve, chaque fois que l'un d'entre eux dérape, ça fait un scandale. Tout politique encore en fonction est donc présumé agneau jusqu'à preuve de sa lupuserie, merci. Mais alors, si on applique la loi à la lettre, on doit interdire le droit de vote à toute personne qui a l'esprit borné; qui manque d'intelligence, de finesse (habituellement ou dans certaines circonstances). Et voilà qu'un second problème se profile déjà. Que dire de quelqu'un qui se contente d'adapter pour son pays des lois étrangères, sans se poser plus de question, tout en ayant l'indélicatesse de les passer en force puis de prétendre que la loi était indispensable sans être capable d'en expliquer la raison. Je pense que nous serons nombreux à dire que cette personne est bornée d'avoir occulté le débat pour faire voter sa loi, manque d'intelligence de n'y avoir pas plus réfléchi et de se contenter de saboter la démocratie pour ses propres intérêts immédiats, et manque de finesse de prendre, par dessus le marché, le monde entier pour une grosse truffe, ascomycète catalyseur de connerie majuscule.

Alors, et sans plus tarder, voici l'énoncé de notre second et principal problème : "Etant donné un législateur arborant toutes les qualités requises pour être étiqueté idiot et considéré comme tel, et attendu que l'individu sus-nommé vient justement de forcer l'application d'une loi interdisant le droit de vote aux idiots, en combien de temps celui-ci réalisera-t-il qu'il vient de s'exclure lui-même des listes électorales ?".
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