Dyslalie Par Désynchronisme =p

Quoi de plus énervant qu'un bègue ? Un bègue qui veut vous exprimer une phrase jusqu'au bout. Et tant pis si vous n'avez rien compris, vous vous contenterez de dire "Oui oui." et basta. Plus tard, vous y repenserez, et vous vous en voudrez d'avoir été impatient. Puis, à bien y réfléchir, vous parviendrez à la conclusion que, quand même, s'il veut être compris, ce type n'a qu'à apprendre ses phrases par coeur plutôt que d'hésiter sur chaque mot pendant de (trop) longues secondes. C'est simple, le temps qu'il vous souhaite "Bon appétit !" et votre repas est déjà froid. Non, vraiment, c'est lui qui abuse de votre générosité, vous n'avez rien à vous reprocher. De toutes façons, vous ne voulez pas le revoir. En plus de vous faire perdre du temps, il est ridicule, avec ses mots à ralonge là. Et si on vous voyait avec lui, que penserait-on ? Ha le con !

Pourtant, si vous connaissiez mieux le trouble qui affecte cette personne, vous éprouveriez peut-être un peu plus de sympathie pour elle. Figurez-vous que ça pourrait très bien vous arriver, un jour où l'autre. Le bug dans la matrice, il peut tomber sur n'importe qui. Comment ? C'est simple, il suffit d'être au mauvais endroit, au mauvais moment. Plus généralement, c'est l'effet de surprise qui crée le problème. Et la probabilité pour le voir apparaître est proportionnelle à la taille de la surprise. Regardez, prenez un homme, normal, blanc, et mettez-le dans une salle d'apparence quelconque. Eteignez la lumière et glissez dans la salle un monstre monumental. Non, pas vivant, sinon vous n'aurez pas le temps de constater la surprise. Un homme déguisé fera très bien l'affaire. Mais alors grand, l'homme, et avec un costume vraiment effrayant, comme celui de Casimir par exemple. Ne vous moquez pas, attendez la suite. Faites approcher le monstre à quelques centimètres à peine de votre sujet, et rallumez la lumière. Ah ça rit moins là ! Rapidement, entrez dans la pièce, et observez la décoloration massive de votre cobaye. Puis, faites-le parler. Vous verrez que ses premiers propos ne sont pas très cohérents, c'est tout à fait normal. Mais par delà cet aspect  approximatif de son élocution, vous pourrez déceler avec un peu de chance un intense bégaiement, du genre je sais plus où j'habite.

Bien entendu, cette expérience ne vous renseigne pas tellement sur la maladie, et plus sur ses symptômes. Mais attendez que je vous explique. Votre victime, lorsque vous l'avez placée dans la salle, dans le noir, s'attendait à une connerie. Alors, même si la frayeur est efficace, elle n'en demeure pas moins anodine. Mais imaginez que cette peur survienne inopinément, alors que vous êtes en train de faire à manger, par exemple, vous mettant dans un état de terreur inimaginable. Il est possible que vous en gardiez quelques séquelles, pendant quelques temps, notamment au niveau de vos sous-vêtements. Par chance, votre esprit corrigera le tir et tout finira pour le mieux dans votre petit monde à vous. Pour certaines personnes angoissées, une telle peur provoque un rejet automatique. L'esprit occulte l'instant de la peur, afin de poursuivre son existence sans risquer auto-destruction. Mais du coup, tout le système repart sur la lecture d'une sauvegarde vieille de quelques secondes, qui n'est même pas encore totalement écrite. Lorsqu'il y a coma, par exemple, la sauvegarde est reprise quelques années en arrière. Elle est donc parfaitement finie d'imprimer. Lors d'une amnésie rétrograde, la sauvegarde est endommagée, et dans une antérograde, elle ne s'effectue même plus. Mais dans le cas de l'apparition d'une Dyslalie Par Désynchronisme, le problème vient du fait que la lecture et l'écriture se sont faites en même temps. Du coup, tout se retrouve décalé. Lorsqu'une sauvegarde est nécessaire, comme lorsqu'une phrase est commencée, celle-ci s'effectue, mais c'est la sauvegarde précédente qui est récupérée à la fin du processus. Et comme celui-ci ne dure qu'une fraction de seconde, le pauvre affecté repart en arrière de quelques dizièmes. Et recommence son mot. Indéfiniment, jusqu'à ce que le décalage des sauvegardes lui permette de s'en souvenir, et de poursuivre son discours.

Alors, lorsque vous croiserez un bègue, vous pouvez le fuir ou l'éviter, mais ne le blâmez pas. Non seulement il ne le fait pas exprès, à moins d'être sacrément masochiste, mais en plus il a certainement du souffrir. Lors de l'apparition de sa dyslalie, mais par la suite également. Comme quoi, vous pourrez vous trouver toutes les excuses du monde, mais finalement, c'est vous le con !