La pause matrimoniale ↕
- Olivia, vous êtes rayonnante aujourd'hui.
- Ca doit être la cigarette.
- Et si nous profitions de la pause pour aller nous marier ?
- Humpf, alors là, plutôt mourir.
- Dommage.
Yvan attrape les jambes d'Olivia et la fait basculer par la fenêtre de la salle de repos, un sixième étage. Elle s'écrase droit sur la voiture du patron. Yvan tire une grimace de dégoût et se tourne vers Sophie.
- Je l'aimais tellement. Elle me manquera. Et vous Sophie, pourquoi ne viendriez-vous pas vous marier avec moi, je suis sûr que nous avons encore le temps.
- D'accord, mais je veux la lune de miel de mes rêves en échange.
- En quoi ça consiste.
- Je me vois, les pieds dans une petite rivière de montagne, assise à regarder le ciel...
- Accordé, allons-y.
- Ce n'est pas tout !
- Avec ceci ?
- Je veux partager un gros verre de vin chaud, pour compenser la fraîcheur du torrent qui nous caressera les pieds.
- Je ne bois pas de vin.
- Alors vous ne me passerez pas la bague au doigt.
- Du bourbon au café, ça peut le faire ou...
- Teuteuteu. Si le vin, l'anneau. Point final.
- Haaa, Sophie, j'aime les femmes qui en ont !
- Pourquoi, vous êtes homosexuel ?
- Que ? Raaah, vous me collez la migraine avec vos divagations.
- Ca ne fait que confirmer ce que vous disiez. Les femmes, c'est pas votre truc.
- Tiens, j'ai un rendez-vous, je dois vous laisser. Nous en reparlerons.
Yvan quitte la salle de repos et part en direction du bureau de son patron. Arrivé devant sa porte, il se prépare à lui coller la peur de sa vie. Après quelques étirements, il s'apprête à franchir la porte d'un coup sec.
- PATRON !
- Hein ? Comment ? Que ? Quoi ?
D'un mouvement de recul, le patron se recroqueville en position foetale et protège sa tête de ses bras. C'est qu'il a l'habitude de ne devoir sa vie qu'à ses réflexes. Pendant ce temps là, Yvan traverse le bureau pour s'approcher de la fenêtre.
- Ah, c'est vous Yvan.
- En personne.
- Et que me vaut l'honneur ?
- Vous me flattez ? J'aime ça. Vous êtes un bon élément.
- En même temps, je suis le patron...
- C'est possible. J'avais deux ou trois choses à vous dire, justement.
- Je vous en prie.
- Vous avez répondu à l'offre des fournisseurs ?
- Alors attendez, que je regarde. Oui, voilà, j'ai répondu. Celle au sujet des montres c'est ça ?
- Tout à fait, ce mail énigmatique que nous avons reçu : "Nos montres moins chères et plus rapides.". Qu'avez-vous répondu ?
- Je leur ai répondu qu'à la limite, nous aurions préféré des montres plus chères mais pile à l'heure. Avec les leurs, j'ai peur que le temps ne passe trop vite.
- Vous avez bien fait.
- Vous allez bien ?
- Mais vous savez, dans la vie, il faut faire des choix.
- Euh, en effet.
- Et parfois, aucun de ceux qui s'offrent à nous ne nous font plaisir, mais il n'y a aucune autre alternative.
- D'accord oui, et ?
- Vous n'êtes pas sans savoir qu'on ne fait pas d'omelettes sans casser d'oeufs.
- Que voulez-vous dire ?
- Quand on fait quelque chose, il faut se résigner aux risques que cela comporte.
- Et donc ?
- Et donc nous ne pouvons plus vous garder avec nous. Mais nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour vous trouver une place rapidement là où on aura besoin de vous.
- Vous me virez ?
- Voilà. J'ai besoin de votre bureau.
- Mais je suis le patron !
- Mince, j'avais oublié. Vous pourriez faire un effort pour que ça se voit quand même.
- Vous savez, la petite Olivia...
- Vous voulez que je la vire ?
- Elle est dans votre voiture.
- Comment ?
- Dépêchez-vous !
Immédiatement après, c'est une véritable fusée qu'on verra sortir du bureau du patron. S'il y a bien quelque chose auquel celui-ci tient, c'est sa voiture. C'est peut-être le seul endroit où il ait l'impression de contrôler son petit monde. Quand il ne racompagne pas Yvan chez lui, bien entendu, assis à la place du mort, Son employé trouvant que ça lui va si bien. D'ailleurs, celui-ci est justement en train d'investir son bureau, le fermant à clé, pour y installer son duvet et se reposer une heure ou huit, on verra bien sur le moment.