Depuis toujours, l'homme copule. Ca ne fait aucun doute. Sinon, comment il serait là, l'homme ? Ben oui, vous voyez bien que techniquement, il lui a fallu copuler depuis longtemps déjà. Et ça va peut-être vous sembler bizarre, mais avant même que l'homme ne soit homme, il copulait. Ah, ça vous la coupe ça, hein ! Ca vous empêchera d'en faire autant. Plus sérieusement, on en est certain aujourd'hui, l'homme a été singe. Et singe déjà, il copulait. L'origine de cet exquis vice, extrêmement dur à dire, se perd donc dans les méandres de l'histoire, bien avant l'apparition de l'homme. Par contre, il fallu attendre l'apparition de l'homme pour que le sexe ne devienne un vice. Mais nous y viendront bien assez tôt. Pour le moment, l'homme est encore un animal. Lorsqu'il passe devant une femelle, la seule considération qui entre en ligne de compte pour déclencher l'accouplement, c'est son envie. S'il est préoccupé, l'homme passe son chemin. Si par contre l'idée lui vient, ou l'odeur, c'est selon, et que cela éveille en lui quelques instincts reproducteurs, l'homme prend. Non, non, il ne demande même pas, en fait, il saute sur la femelle sans lui demander son avis, et fourre à tout va. Au début, la femelle s'en foutait. Elle était en train de faire autre chose, son cul ne lui servait à rien sur le moment, bon, si on peut dépanner, hein, y'a pas de problème, la femelle est pleine de bonne volonté. Non, de rien d'autre, que vous êtes vulgaire c'est pas croyable. Bref, l'homme prenait ce qui lui passait sous le nez, et ça ne gênait personne.

Mais un jour, un homme quelque peu cavalier se permit de retourner une femme pour satisfaire ses besoins. Ce n'était pas la première fois qu'un homme faisait de la sorte, mais, manque de chance, la femme en question était la première féministe de l'histoire. Lucy, qu'elle s'appelait. Enfin je crois. Quoi qu'il en soit, elle commença à se plaindre, et à rallier à elle d'autres femmes, plus par curiosité qu'autre chose. Il fut convenu qu'on ne se laisserait plus prendre comme ça, sans même un bonjour-au revoir, le minimum syndical. Les hommes furent surpris, en premier lieu, mais s'habituèrent progressivement à devoir manifester leur attirance avant tout contact approfondi. Ils se permirent même de devancer les exigeances de leurs contemporaines en se montrant presque prévenants. En plus du bonjour, ils leur offrirent leurs hommages. Et après, direct, copulation. Non mais ça peut vous paraître brutal comme ça, mais pour l'époque, c'était un sacré progrès.

Et les hommes, pour plaire aux dames, inventèrent la galanterie.

Si si, on peut dire ça. Ce n'était encore qu'un embryon, plus proche du respect que de la réelle courtoisie, mais quand même. Et puis, vous connaissez les hommes, ils se mirent à en faire toujours plus, comme si la galanterie était une compétition, et finirent par passer leurs journées à ça. Ce qui, en plus d'occuper totalement leur emploi du temps, plombait également celui de tout le sexe opposé. Sauf peut-être de quelques erreurs de la nature qui, justement, auraient bien voulu. Mais bon, la vie est ce qu'elle est, mal foutue peut-être, mais le choix ne nous est pas vraiment laissé. Et tout ce petit monde passait sa journée à se faire les yeux doux, des compliments, si bien qu'au bout d'un moment les relations sexuelles devinrent tellement anecdotiques qu'on vit d'un très mauvais oeil de devoir tout recommencer à zéro à chaque fois. Un homme trouva la solution, pour une fois. Il attira sa prétendue à l'écart du reste de la troupe avant de prendre soin d'elle. Puis, ils dormirent sur place. Le lendemain, la dame se souvenait de lui, et, puisqu'il n'y avait personne d'autre alentour, ils remirent ça. L'homme se figura avoir gagné un temps considérable, et put enfin rattraper son retard dans la réalisation de la fresque numéro trente cinq de la grotte trois, celle représentant un jour prochain où les hommes arriveraient enfin à piéger un mammouth, parce que ça arriverait forcément un jour, après tout, c'est con un mammouth. Le soir, il retourna au même endroit, et la femme n'avait pas bougé. Une fois de plus, tout se passa pour le mieux. Il en parla à des amis qui l'imitèrent, et bientôt, chacun eut sa propre femme, exclusive, dans son coin à lui. Du moins, tant qu'elle ne bougeait pas.

Et l'homme inventa la possessivité.

La possessivité était vraiment pratique. Très longtemps, on s'en félicita. Chacun avait sa propre femelle, avec laquelle il n'avait plus besoin de refaire la cour, et ces désagréments ne survenaient donc qu'en cas de changement de partenaire. Par contre, à ce moment précis, le système montra ses faiblesses. Parfois, un homme approchait une femme déjà engagée. Alors, son partenaire revenait, et les hommes se battaient. Pourtant, même avec toute la bonne volonté du monde, le premier n'aurait pu déceler l'appartenance de la femme au second. Celle-ci aurait pu lui dire, effectivement, mais elle avait bien autre chose à faire. Il faut savoir que cette histoire de possessivité était un arrangement entre hommes. Les femmes, elles, ne savaient pas vraiment qu'elles "appartenaient" à un homme précis, et, pour tout avouer, elles s'en foutaient pas mal, tant que ça ne leur empêchait pas de vaquer à leurs occupations habituelles. Les deux hommes, donc, entraient en conflit, comme ils savent toujours si bien le faire. Cet état de fait perdura longtemps avant que les hommes ne parvinrent à y remédier. De nombreuses idées apparurent, mais la plupart n'étaient pas techniquement réalisables. par exemple, on envisagea de marquer les femmes du nom de l'homme qui les possédait. Le concept n'était pas mauvais en lui même, mais souffrait néanmoins d'une absence majeure : celle de l'écriture. On tenta bien le coup avec divers symboles, mais ceux-ci se confondirent rapidement. De plus, il suffisait d'une bonne averse pour que plus aucune femme ne soit attribuée. La gestion du cheptel s'annonçait plus compliquée que prévu. Jusqu'au jour où un homme, de premier ordre, se rendit compte que même si on ne reconnaissait pas les symboles, surtout après la pluie, donc, si vous suivez, on reconnaissait facilement les femmes, et les hommes. Dès lors, il passa devant tous les hommes du coin, sa femme au bras, et leur montra bien qu'elle lui appartenait. Par ailleurs, la fiancée apprécia follement la balade. Même si par la suite, plus aucun homme ne l'approcha, ce qui lui offrit un répis certain.

Et l'homme inventa le romantisme.

Je vous vois venir. Le romantisme, c'est beau, c'est doux, c'est pure, c'est plus blanc que blanc, ça n'a rien à voir avec ce que tu nous racontes. De nos jours, et encore, ce n'est pas totalement erroné. Mais à l'époque, dites-vous que tout était différent. D'ailleurs, les hommes eurent d'abord du mal à comprendre ce comportement, avant de l'imiter, comme ils font tout le temps. Et de partout, pour assurer sa femme contre toute intrusion intempestive, on la promena, juste après l'étape de rencontre, jusqu'à ce que tout le monde ait bien compris à qui elle était. Une fois de plus, les hommes en rajoutèrent, et, ne pouvant pas s'adonner à la copulation toutes les cinq minutes, ils inventèrent de nouvelles formes de rapprochement physique pour exprimer leur possessivité. S'embrasser, tenir la main, tenir dans ses bras. Tout ceci fut désormais assimilé à l'appartenance sexuelle. Mais il était impossible d'être certain que tout le monde soit au courant. Pensez au retours de vacances par exemple. Qui plus est, l'attirance des hommes pour leurs contemporaines ne se tarit pas pour autant. Et les hommes n'hésitèrent plus à se rapprocher, même furtivement, de femmes qu'ils avaient pourtant déjà vues avec un autre. Comprenez-les, la tentation était trop grande. Elle était là, penchée en avant, le sexe à l'air, bien en rondeur, et voilà, paf, l'accident, le drame, le déshonneur fracassant. Je ne sais pas vous, mais moi, j'aurais sans doute fait pareil. Une fois de plus, les problèmes de l'amour semblaient avoir le dessus. Jamais l'homme n'arriverait à tous les régler, en même temps. Mais il s'évertua pourtant à continuer leur résolution, l'un après l'autre. Alors, pour parer à la tentation, l'homme alla au plus simple : cacher le maximum de sa partenaire sous des textiles plus ou moins velus.

Et l'homme inventa le vêtement.

Et par là même, il inventa le concept d'exhibitionnisme, qui n'avait aucun sens à cette époque où personne n'avait autre chose sur le corps que sa propre fourrure. Les femmes couvertes étaient donc celles qu'il ne fallait pas aborder. Les autres, c'était bon. Une fois de plus, la solution ne fit qu'amener un nouveau problème. Certaines femmes, lassée d'être constamment abordées et ne souhaitant pas avoir plus de proximité que ça avec le sexe opposé, se vêtirent en conséquence. Dès lors, on ne put plus faire la différence entre elles et les femmes déjà "réservées". Et, de nouveau, les hommes se remirent à draguer tout ce qui bouge. Mais ils gardèrent bien à l'idée que ce ne serait pas satisfaisant sur le long terme. Peu à peu, deux écoles naquirent. D'un côté, il y eut les hommes qui voulaient poursuivre l'escalade d'un puits à problèmes sans fond. Ceux-ci allèrent jusqu'à recouvrir totalement leurs femmes, afin qu'on ne les voit plus, ce qui n'empêcha pourtant pas celles-ci de se masturber en pensant au jeune voisin par en dessous, ni d'aller lui rendre visite lorsque leur "mari" s'absentait. Et de l'autre côté, on trouva ceux qui avaient compris que la meilleure solution pour obtenir d'une femme son exclusivité, c'était encore de lui demander son avis. Alors bien entendu, on tâchait de l'influencer le plus possible dans son choix, en se montrant d'une générosité à toute épreuve avant la décision finale. Fleurs, chocolats, bijoux, cadeaux, tout ce qui pouvait faire pencher la balance y passa.

Et l'homme inventa la séduction.

Et, tandis que les premiers, les machos, continuèrent de se battre pour amasser les femmes comme on amasse un trésor, les seconds vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants. Non attendez, pardon, j'ai confondu, ça c'est dans les contes. Les seconds, eux, trouvèrent le moyen d'imposer un sentiment de culpabilité à toute femme ne respectant pas ses engagements ou désirant en changer. On confia la tâche de répandre cette idée à des hommes d'églises, auxquels on interdit la trop proche proximité des femmes. Les enfants, passe encore, mais les femmes, alors ça, non, il y aurait conflit d'intérêt monsieur.

Un jour peut-être, l'homme mettra de côté son besoin viscéral de tout posséder, et saura de nouveau prendre du plaisir quand il le veut, avec qui il le veut, en conservant néanmoins le respect qu'il a acquis pour ses partenaires. Il dissociera amour et plaisir, et pourra aimer pleinement, sans contre partie, et sans pour autant se refuser aux plaisirs que lui offre la vie, ou n'importe quelle femme, l'homme n'est jamais très exigeant de toutes façons.


Conclusion :
L'évolution, c'est faire des promesses impossibles à tenir et que personne ne nous demande, pour le simple plaisir de se sentir coupable lorsqu'on finit par les renier. S'imposer des règles, pour le frisson de les enfreindre.
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