La journée piscine ☉
- Ha, c'est vous. Ca faisait un bail !
- Oui, je suis désolé, j'ai eu du mal à m'en remettre.
- C'est tout à fait naturel.
- Et là, la reprise, vous savez, ce n'est pas facile.
- Non. Vous avez quand même pas loin de trente-deux heures de retard. Enfin, pour cette semaine uniquement.
- Oui, je sais, mais je vais vous expliquer.
- Comme d'habitude.
- Hier, c'était lundi, j'avais piscine.
- Hier, vous n'êtes pas venu.
- Et bien non, j'avais piscine je viens de vous dire !
- Et vous croyez que je vous paye pour aller à la piscine ?
- Mais vous ne me payez pas !
- Pourquoi je devrais ?
- Ce serait plus motivant en effet.
- Mais vous savez, je ne demande que ça moi !
- Qu'attendez-vous alors ?
- Un motif.
- Un motif ?
- Oui, un motif.
- Comme une arabesque par exemple ?
- Non, une raison. Pourquoi devrais-je vous payer, à votre avis ?
- Parce que je suis votre employé.
- Mais... employé à quoi ?
- Et bien, toutes sortes de choses ! Je sais pas moi. Sommes-nous... une entreprise ?
- Je me pose la question effectivement.
- Vous savez, pour un geste d'un tel altruisme, vous ne devriez pas avoir besoin de le justifier.
- Oui, bon, d'accord, j'ai compris, passons.
- Passons.
- Passons à votre retard.
- Ah, oui ! Comme je le disais, c'était lundi.
- Et le lundi, vous avez piscine.
- Exactement. Du coup, ce matin, j'étais criblé de courbatures. C'est que je n'ai pas l'habitude !
- Si vous n'avez pas l'habitude, dites-moi ce qui vous fait dire que le lundi, vous avez piscine, "comme d'habitude" ?
- Ah mais je n'ai jamais dit que je faisais toujours ça le lundi !
- Mais...
- J'ai dit que le lundi, j'avais piscine. Désormais, je ferai toujours ça le lundi. Enfin, c'est prévu.
- Bien, merci de me prévenir.
- Mais de rien patron, tout le plaisir est pour moi. Bref. J'avais donc des courbatures partout.
- Normal, si vous étiez à la piscine toute la journée.
- Et donc ce matin, j'avais un peu de mal à me déplacer. Et pire : à porter des choses.
- Quelles choses ?
- Mais toutes sortes de choses ! Une cafetière par exemple. Et une cafetière par terre, avec le café brûlant, ça fait mal.
- Je veux bien vous croire.
- Et ce n'est pas tout. En fait, je n'arrivais même pas à lever mon bras correctement. Je tremblais, tout ça. Du coup, j'ai mis un temps fou à m'habiller.
- J'ai comme l'impression que ce n'est pas la seule raison.
- Et bien, à vrai dire...
- Allez-y, vous savez, au point où j'en suis.
- En fait, quand j'ai réussi à m'extraire de chez moi pour me couler dans la voiture, j'ai constaté qu'il ne serait pas évident de venir jusqu'ici.
- Manifestement, vous avez réussi !
- Oui, mais je dois avouer que ce n'était pas sans quelques rebonds par ci par là.
- Que voulez-vous dire ?
- Et bien, j'avais besoin d'un guide, vous voyez, de quelconque glissière qui me mènerait dans cette direction.
- J'ai peur de ne pas vous suivre.
- Bien, voilà, la voiture est un peu rayée.
- C'est tout ?
- Oui, c'est tout.
- Et bien, d'accord, j'en prends note.
- Oui, c'est bien.
- Ca fait bizarre, hein, quand vous ne détruisez rien.
- Il y a eu la cafetière quand même.
- Oui, rien d'important je veux dire.
- J'y tenais beaucoup moi, à ma cafetière.
- Rien de la valeur d'une voiture par exemple.
- Oui, sa valeur était principalement sentimentale effectivement.
- Bien, vous devriez peut-être prendre la journée pour vous reposer, vous n'êtes pas en état de faire quoi que ce soit de toutes façons.
- Oh, c'est très gentil de votre part. Merci.
- Oui, bon, de rien.
- A demain alors !
- Voilà, enfin peut-être. Avec vous, qui sait ?
- Pas moi en tous cas !
- A force, je crois que je m'y suis fait...