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Max est assis. Il médite. Il lui reste bien de quoi tenir un peu plus de deux journées, mais le générateur ne fonctionne pas. Enfin pas au point où il l'espérait. Des megawatts nécessaires pour relancer les commandes informatiques du vaisseau échoué, son alternateur n'en produit même pas un. Ce n'est pas très loin cela dit, mais ça reste bien insuffisant. Oh, le moteur tourne, ça oui. Il ne semble même pas encore souffrir de l'utilisation de la très énergétique pâte violette. Max a donc un peu de courant, de quoi allumer plusieurs phares du vaisseau en même temps, super, mais toujours aucune piste pour trouver de l'eau. De l'eau qui lui permettrait de surmonter l'échéance proche de sa propre dessication. Et puis il y a cette voix qu'il a entendue. Comme en réponse à ses pensées non formulées. Ou si peu. En tous cas, il en a gros sur la patate.

- Bordel, je suis en train de péter un câble !
- Pourquoi tu dis bordel ?
Et voilà qui recommence. Max aurait pu s'y attendre, mais non, il a préféré sursauter comme un enfant qui serait en train de piquer un chocolat lorsque sa mère surgit dans la pièce. Une surprise telle qu'elle le fait encore trembler. Enfin, Max lève la tête. Mais il n'y a rien. Seulement un petit nuage. De la veine de ceux produits par le générateur. Un nuage normal, blanc.
- Et "Putain de merde" alors, c'est quoi ?
Max est sur le point de défaillir. Il garde d'abord ses yeux grands ouverts, et hallucine. Le nuage vient de parler. Si encore il l'avait fait comme tous les nuages qui parlent dans les vieux films du vingtième siècle, en clignotant d'une couleur douteuse en même temps qu'il parle, avec une synchronisation épatante. Mais même pas. Le son vient du nuage, mais il a à peine bougé, et sans émettre la moindre lumière. S'il n'y avait pas eu le halo du phare pour l'éclairer, Max ne l'aurait peut-être même pas vu. Mais non, c'est impossible. De ses vagues notions de psychologie, apprises à la va-vite en discutant avec les gars du vaisseau, dieu ait leur âme, ou peu importe comment ça se passe sur cette planète étrange, il a conservé, donc, le fait qu'un homme restant seul trop longtemps et soumis à une forte pression psychologique évacue toujours son stress par une forme de folie plus ou moins grave. Et parmi les versions les plus softs, il y a l'histoire de l'ami imaginaire. Dont Max se sait victime. Alors, profitant de cette formidable vitrine de son inconscient, il envisage d'entamer la discussion, en tâchant de bien garder à l'esprit que tout ça n'est pas réel. Il se tourne donc vers le nuage.
- Alors cher ami, quelle était ta question ?
- C'est quoi un "Putain de merde" ?

Mince. C'est quoi cette question ? Faut-il qu'il soit vraiment perturbé pour se poser à lui-même d'aussi stupides questions ? Un "Putain de merde", c'est quoi ? C'est vrai ça. A part un juron, à la limite, ça ne veut strictement rien dire. Mais c'est qu'il a un inconscient philosophe en fait. Au premier abord, ça peut paraître étrange, mais finalement c'est très pertinent ! Après cet intermède égocentrique, Max reprend.
- Un "Putain de merde", ce n'est rien. On dit seulement ça pour se défouler.
- Ah bon. Et aussi, pourquoi le bordel te fait péter des câbles ?
Un enfant ! C'est exactement ça. L'inconscient de Max est un enfant. Comme s'il se voyait proposer une rétrospective de sa vie devant la perspective de la mort. Hey, et poète avec ça ! A étrange question étrange réponse.
- Un bordel, oui, ce serait pas de refus. Pour le coup c'est sûr que j'en pèterais des câbles. Mais bon, je n'ai même pas d'eau et je vais mourir. Alors les femmes, finalement, ce n'est pas le plus important...
- L'eau, c'est le composé H2O ?
- Euh, oui, je crois bien. Tout le monde sait ça, mais dit comme ça, tu me mets le doute là. Si, oui, c'est bon, ça ne peut-être que ça, je me souviens que l'eau oxygénée, c'est H2O2, donc c'est forcément ça. Je m'en souviens bien, c'est comme R2D2, sauf que le haut du R est ouvert et le D est tout rond. Mnémotechnique ça. Ah, ça me rappelle les cours de chimie. Enfin, de chimie, je dis ça...
- Tu serais content si tu avais de l'eau ?
- Hein ? Ah, euh, oui, bien sûr. Tu t'en fous de ma vie c'est ça ?
- Je crois que j'en ai ?
- Ha ha ha, oui bien sûr. Bah écoute, ce qu'on va faire, hein, c'est que moi je vais manger et dormir, et je laisse un verre là. Voilà. Bon, d'accord c'est pas un verre, mais ça fera l'affaire. Tu n'as qu'à le remplir d'eau si ça te chante, hé hé.

Et Max s'en retourne à l'intérieur du vaisseau où, malgré sa combinaison, les banquettes sont bien plus confortables que le sol de ce maudit caillou. Ah, il lui a bien cloué le bec, à son inconscient. Tiens, t'as qu'à remplir ce verre d'eau, ha ha. Non mais y'a vraiment de quoi devenir dingue. Ha ha, quel humour. Allez, bonne nuit.

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