On ne le sait que très peu, mais la Semblée Nationale est tenue de tenir des Sessions Parlez-menteurs au moins cent vingt jours par an. Lors de ces sessions, chaque disputé possède sa place attribuée et invariable, afin qu'il puisse siéger et participer aux débats, puis aux votes, jusqu'à la fin de son mandat. Rien ne les oblige à la présence, bien entendu, et en pratique il est totalement improbable de tomber, par hasard, sur une Semblée Nationale garnie de tous ses disputés. D'ailleurs, la présence de l'intégralité des effectifs n'est pas réellement nécessaire puisque le rôle majeur du disputé est d'appuyer sur un bouton. Un jour, en effet, un disputé malin s'aperçut qu'il était capable d'appuyer sur plus d'un bouton à chaque vote, et il commença alors à faire voter les absents en courant dans les rangs, afin d'affirmer un peu plus son opinion. Depuis, la pratique s'est généralisée, et il ne reste dans le Mi-Cycle que le nombre nécessaire de disputés pour pouvoir appuyer sur tous les boutons présents dans la salle. Il arrive bien souvent que la lumière soit éteinte par un maladroit durant le vote, mais comme il n'est généralement pas le seul à se tromper il arrive une fois sur deux que la lumière revienne avant la fin du vote.
Il est toutefois intéressant de noter que les lois que votent les disputés, même en leur absence, leur sont appliquées malgré tout, vous me suivez ? Si un disputé est mécontent du vote d'une loi, il n'avait qu'à être présent et appuyer lui-même sur le bouton, au lieu de laisser au plus rapide le soin de revendiquer son opinion une fois de plus.

Au fil des années, une véritable hiérarchie s'est développée dans la petite communauté des disputés. Il y a les Grolardons, qui siègent comme sur un trône et édictent leurs recommandations de vote sinon t'as mon poing dans ta gueule, les Laqués, qui écoutent les recommandations et parcourent les rangs de la Semblée Nationale à chaque vote, ce qui leur valut leur nom, le vent plaquant leurs cheveux en arrière de par la vitesse qu'ils atteignent parfois - jusqu'à 180 boutons par heure -, et les Intègres, qui ne bougent pas de leurs sièges, mais ne donnent pas pour autant de recommandations à leurs pairs. On pourrait croire que ce sont les plus fainéants, mais il est à ajouter à leur crédit qu'ils sont souvent ceux qui s'expriment le plus dans les micros, pour montrer que malgré tout, ils participent.
De nombreux scientifiques travaillent encore à l'explication de cette hiérarchisation spontané, et le modèle type tendrait vers celui des sociétés de rats, avec les dominés, les dominants, et les indépendants. Rien ne permet cependant d'affirmer que le cerveau des disputés serait en réalité un cerveau de rat.

Afin de mieux paraître, la Semblée Nationale se divise en deux partie : l'Imposition, et l'Opposition. Chacune tient son rôle bien déterminé dans le Mi-Cycle afin que le spectacle fourni aux spectateurs soit de la meilleure qualité possible. Le jeu se déroule de cette façon : l'Imposition tente, comme son nom l'indique, d'imposer son opinion et de dominer le monde. L'Opposition est là, comme son nom l'indique, pour jouer les héros qui vont tenter de sauver ce dernier. Il est à noter cependant que, dans un élant avant-gardiste remarquable, la Semblée Nationale déroge aux principes établis par le Mouvement Consensualiste, qui règne comme chacun sait sur les médias du pays. En effet, c'est inévitablement le camp des méchants, l'Imposition, qui finit toujours par gagner son duel contre l'Opposition.

Il existe cependant plusieurs exceptions remettant en cause la hiérarchisation et l'organisation manichéenne de la Semblée Nationale. En effet, des spécialistes de l'étude des espèces de cons en ont récemment publiée une, d'étude, pour démontrer que certains cas particuliers transcendent toutes les règles fixées par l'alinéa trois du paragraphe précédent la page soixante-douze. C'est le cas, par exemple, du vote des retraites ou des salaires des-dits disputés. Oui, car bien que ça ne soit pas évident, les disputés sont libres de choisir leur salaire, sous réserve que chacun d'entre eux soit d'accord. Et c'est dans ces conditions bien particulières que l'on voit la hiérarchie établie s'effacer totalement et les débats ne plus s'envenimer, même pour la forme.
C'est ainsi que les disputés se sont fixés à eux-même des règles très strictes : durant l'intégralité du mandat, ils ne doivent absolument pas être présents lors de toutes les sessions par-les-menteurs, et il ne saurait leur être imposé une présence minimum dans le Mi-Cycle. De plus, une fois leur mandat terminé, et sous réserve qu'il ait été capable de patienter jusqu'à sa toute fin, le disputé bénéficiera d'une retraite équivalente au revenu minimum du pays multipliée par un virgule cinq, jusqu'à sa mort et sans aucune réserve ou condition d'application, ce qui est bien, mais pas top. Heureusement, pour sortir les disputés retraités de la précarité, une mesure a été prévue. Ainsi, lorsque le disputé fait preuve de suffisamment de patience et qu'il effectue un deuxième mandat, sa retraite sera alors doublée.
Ces conditions très strictes font du travail de disputé un travail peu enviable et délaissé par la plupart de leurs compatriotes, ce qui tend à expliquer pourquoi il y en a si peu en activité - moins de six cents de nos jours. Le disputé tend donc à être consanguin et est depuis de nombreuses années une espèce protégée par les accords internationaux sur la cruauté gratuite envers les animaux d'utilité publique. De toutes façons, le disputé a mauvais goût et sa viande est peu digeste.



Lexivique :

La Semblée Nationale : son nom provient du spectacle qui y est joué pour donner l'impression que le peuple y est représenté. Pour un non averti, c'est ainsi un conseil des sages qui décide de l'avenir du pays.

Un Disputé : son nom provient du spectacle auquel il prend part lorsqu'il siège à la Semblée Nationale; Il est là pour élever la voix aussi souvent que c'est possible, dire des choses qui fâchent, et partir en plein débat parce que c'est inadmissible. Les meilleurs disputés sont récompensés par un César lors d'une cérémonie officielle.

Une Session Parlez-menteurs : son nom provient du mot d'introduction de chaque épisode de la Semblée Nationale. En effet, le réalisateur, aussi appelé Président de la Semblée Nationale, doit par tradition démarrer le spectacle par l'injonction "Et... parlez menteurs !" au lieu du traditionnel mais rébarbatif "Et... Action" employé dans le reste de l'industrie du cinéma.

Le Mi-Cycle : c'est le nom donné au bâtiment où se déroule la Semblée Nationale, de par sa disposition en demi cercle, pratique pour le réalisateur pour voir tous les disputés en même temps et distribuer la parole entre chacun d'entre eux.
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