A l'air ban ☎

En bref, je ne peux pas vous répondre actuellement. J'ai débranché mon téléphone, mis le répondeur sur muet, éteint mon portable, bref, je ne souhaite pas être dérangée. Figurez-vous que je viens de recevoir le fameux colis que j'attendais depuis si longtemps. Et il faut maintenant que j'arrive à trouver de quoi il s'agit précisément. Quand l'objet aura été identifié par mes soins, plus rien ne pourra m'empêcher de décrocher des subventions pour avoir ma propre équipe de recherches. Vous comprenez dès lors à quel point c'est important pour moi. Je vous remercie de ne pas insister. A bientôt !


Cette sculpture est vraiment parfaitement conservée. Une vilaine petite statuette avec des yeux qui semblent faits d'une pierre précieuse d'un noir universel, d'une profondeur cosmique. A vrai dire, j'en suis presque intimidée ! Bon, allez, trève de contemplations, passons aux choses sérieuses. Cette relique a été découverte dans le mur d'un monument maya, il y a quelques années de cela. Elle est déjà passée entre de nombreuses mains, mais personne n'a réussi à en trouver la signification. Moi, j'ai une piste, et j'espère bien en retirer quelque chose. Dans le journal d'un explorateur espagnol ayant côtoyé les indigènes avec une approche scientifique, j'ai retrouvé le trace d'une statuette enterrée là où on ne peut creuser. Il me reste à étudier si cette légende coïncide, notamment d'un point de vue temporel et géographique.


J'ai peut-être trouvé le nom de mon affreuse sculpture. Elle évoque quelque chose qui voudrait dire "la présence de ce qu'on voudrait conserver dans le passé". Bon, c'est une première traduction, ça n'est peut-être pas encore parfait, mais quand même. Elle symboliserait alors ce pourquoi le temps avance perpétuellement, nous portant dans son sillage pour fuir l'horreur du présent. Tout un programme. Mais ce n'est pas terminé. Ses yeux en particuliers, seraient un concentré de toutes sortes de maléfices, qu'on enterre donc là où personne ne peut creuser afin qu'ils ne soient pas libérés par erreur. Puis, pendant plusieurs jours, l'explorateur a tenté de localiser l'objet en question, dans parvenir à le trouver ni à obtenir qu'on lui explique où chercher. L'hypothèse est avancée qu'elle aurait été placée dans les fondations d'un temple maya, lieu à la grande symbolique. Probablement un des rares temples qui ne soit pas dédié à Quetzalcoatl.


C'est étrange, j'étais persuadée qu'il était tard, et pourtant le soleil ne semble pas vouloir se coucher. Normal, quand on est en plein milieu de l'après-midi ! Tant mieux, je vais pouvoir poursuivre mes recherches. J'ai trouvé une nouvelle référence à la statuette dans la culture maya. Il s'agit d'un conte pour enfant, dont la morale semble manifestement destinée à brider la curiosité de ces petits monstres. C'est l'histoire d'un enfant qui fait toujours l'inverse de ce qu'on lui dit, et qui, un jour, se retrouve pourchassé par des démons après les avoir libérés en jouant avec un objet sacré. J'ai vérifié, et la statuette correspond parfaitement à ce que raconte cette histoire. Les monstres en moins, bien entendu.


J'ai voulu me faire couler un bain, mais... comment dire. L'eau semblait toute pâteuse. Je pensais qu'on était peut-être en train de faire je ne sais quels travaux sur la canalisation. Alors je suis sortie pour voir s'il n'y avait pas un avis, en bas de l'immeuble, mais rien. J'ai croisé la concierge, mais elle ne m'a même pas dit bonjour. Elle semblait très concentrée. Alors je suis sortie, prendre l'air, et c'est là que j'ai compris que quelque chose ne tournait pas rond. Il y avait une voiture, au milieu de la route, immobile. Et pourtant, quelqu'un était à son volant, attaché, et regardant la route, immobile. Et de l'autre côté de celle-ci, il y avait un piéton. Lui non plus ne bougeait pas, ou si peu, et pourtant il semblait être en train de marcher. Alors je suis remontée chez moi, et c'est là que j'ai remarqué comment la porte était exceptionnellement difficile à utiliser. On dirait que le monde est en train de s'arrêter. Pourvu que je ne m'arrête pas avec lui.